jeudi 23 octobre 2008

C'est à l'aube (2)


"Qu'est-ce qui lui prend? Vous vous êtes engueulés?"

Silence au bout du fil. Trop long. Inhabituel chez cet homme de mots.

"Seb? T'es là?"

Un sanglot étouffé, puis enfin le flot de paroles qui déferle:"Elle me fait chier cette conne! Elle a fait deux valises samedi et s'est barrée! Tu le crois çà mon pote? Comme çà! Sans explications!"

Alexandre essaya de prendre la voix la plus apaisante dont il se sentait capable:"T'inquiètes pas trop, c'est une nana, elle fait sa crise. Tu la connais elle se pose toujours mille questions. Laisse-lui l'temps d'cogiter. Je te parie un concert des Red Hot qu'elle est là dans une semaine."

Les mots de son ami semblaient apaiser Sébastien, qui ajouta en reniflant: "Alex, je l'aime cette fille." "T'es sûr qu'elle sait rien pour la fille de l'île aux oiseaux?" "J'en suis certain. Elle l'a jamais appris."

Alexandre rassura encore son ami de vingt ans, et lui fit promettre de ne pas harceler Valentine de messages. "çà, çà la ferait fuir". Ah parce qu'elle n'a pas fui là, à ton avis? pensa intérieurement Sébastien.

"Tu as raison" s'entendit-il répondre.


* * *


Valentine regarda le ciel, puis la ligne d'horizon sur laquelle le soleil tombait et se dit qu'elle se sentait libre. Toute petite, toute seule, mais plus que jamais elle avait cette sensation enfantine que tout pouvait arriver. Jusqu'à aujourd'hui, c'était pour après. Et là, soudain, çà semblait pouvoir être maintenant.

Elle n'avait emporté que le strict nécessaire dans ces deux sacs qui pesaient pourtant lourdement et l'empêchaient d'avancer aussi vite qu'elle l'aurait souhaité.

Les premières notes de l'Ave Maria de Schubert résonnèrent dans son sac à main, elle ne réagit pas, pensant à un xème sms de Sébastien lui demandant où elle était. Pas question de répondre. C'était tellement bon que personne ne sache où la trouver.

çà y est. Elle l'avait fait. Tout quitter.

Ce rêve impossible pour le commun des mortels, elle avait osé le réaliser! Une liberté toute neuve. A présent il fallait trouver quoi en faire, où aller pour ne pas se perdre...

Valentine se dirigea vers la gare centrale et prit un aller simple pour Paris. Il lui semblait que la capitale pourrait être le point de départ de tous les possibles.

Quand elle eut franchi le marche-pied pour pénétrer dans son wagon, elle n'eut même pas l'idée de jeter un regard sur ce qu'elle laissait.






dimanche 19 octobre 2008

essai

Bon, et bien je franchis un cap et essaie de me lancer dans la fiction ( ci-dessous)... La suite bientôt, peut-être, j'espère...enfin on verra...

C'est à l'aube (1)


J'allais avoir trente ans lorsque je me suis mise à vivre. Je me souviens avoir ressenti cette urgence de m'échapper d'une parenthèse qui durait depuis la sortie de mon adolescence. Une fois passés les tourments de la transformation de mon corps et de la révolte contre ce monde qui n'était pas fait pour moi, les premières amours difficiles et les revendications inutiles pour changer la planète, une forme de résignation m'avait rattrapée sans que je le décide. L'entrée dans l'âge adulte, que j'avais toujours plus ou moins consciemment méprisé, se fit finalement sans heurts: il y avait tellement de combats à mener pour être libres, combats cependant très lointains de mes idéaux d'enfant. Il fallait commencer par se faire une place et cela passait fatalement par les études, puis la recherche d'un emploi. Cela m'a pris dix ans. Dix années de somnolence. Dix années, je m'en aperçois aujourd'hui, où je pensais avoir le temps.

"Quand je serai grande, j'écrirai un roman..."

Quand je serai grande...

J'étais toujours cette enfant qui croyait le plus beau pour plus tard, pour un après qui durerait infiniment.



La première moitié de cette décennie fut employée à finir mes études, brillamment, puis à entrer dans la fonction publique, mon poste de cadre occupant les trois quarts de mon temps. Le ministère avait besoin de moi!

A vingt-cinq ans, j'avais rencontré Sébastien qui m'avait déclaré sa flamme instantanément, j'étais la femme de sa vie, il le savait, il le sentait, ce que j'avais ressenti était à des années lumières du feu de mes passions adolescentes mais son enthousiasme m'avait séduite. Pendant longtemps j'ai cru qu'il me rendait heureuse.


Et puis, un soir de septembre, j'ai vu l'impensable. Ma télé vacillait, prise de court par ce qu'elle pensait ne jamais montrer. La nausée est montée d'un seul coup devant les images de deux tours en feu. C'était l'humanité qui était remise en cause, c'était mes certitudes qui s'effondraient, en même temps que ces inconnus prisonniers du brasier. Ce jour-là a changé la vie de millions de quidams. La mienne a été bouleversée.

Le lendemain, je n'étais plus la même.

Le 11 septembre 2001, ou comment l'Histoire change l'histoire d'une petite provinciale endormie.


Qu'étais-je en train de faire de ma vie? Les habitudes me sautaient au visage, m'étouffant, m'oppressant. Mon travail devenait ennuyeux, Sébastien ne me voyait plus (m'avait-il, au fond, vraiment regardée?), et de jour en jour mes belles certitudes s'évanouissaient pour ne laisser place qu'à une seule: j'avais tellement envie de vivre, que vivre si peu, ou si mal, me donnait envie de mourir...


Depuis ce jour, l'urgence ne m'a plus jamais quittée.

Et l'histoire de ma vie commence ici.



mercredi 15 octobre 2008

L'automne des poètes (débutants!)


Aujourd'hui je suis allée, pour la première fois de ma vie, à un atelier d'écriture poétique. Et je n'y connais pas grand chose en poésie! Je n'ai jamais été capable de produire un poème digne de ce nom ( et je ne parle pas de ma prose souvent laborieuse parce que là ce serait s'auto-flageller!)

Les quatrains, alexandrains et autres sonnets -et il en est de magnifiques:


Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, je partirai.
Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

m'ont toujours laissée admirative...


Mais dès qu'il s'agissait de faire jaillir quelque chose de ma plume: le néant! "Incapable!" me disais-je, frustrée, insatisfaite de moi-même.



Et puis aujourd'hui on a joué, et j'ai OSé; çà a donné çà.



A partir d'un réservoir de mots choisis:


Je vois la fièvre dans ton regard
Dont tous les mots se font l'écho
Ton visage étranger, ta voix obscure
Il est tard
Et je vais faire un brasier
De mes pensées impossibles



A partir des petites annonces:


A vendre: poumons en bonne santé, reins très sains, accompagnés d'un coeur d'artichaut ayant peu servi. Une affaire.



A partir du jeu de l'accordéon:


Il part en poussière
C'est la mairie qui l'a voulu
Il a connu 10 000 vies
Des bruits, des chants, des cris, des rires
L'immeuble s'envole avec une vérité fragile



A partir de mots piochés au hasard:


L'ange a perdu ses ailes
Au bord d'un bougeoir brûlées
Il se cache sous la grandeur
De la tour Eiffel embrumée




Evidemment, l'oralisation des productions faisait partie de l'exercice. Mais moi, j'ai toujours dit que LE RIDICULE NE TUE PAS...











*

mercredi 8 octobre 2008

Dans un vieux carnet


Alors çà, ce sont des mots que j'ai retrouvé dans un carnet tout jauni, mots jetés là sans doute lors d'un moment oublié de ma folle jeunesse ( là on dirait carrément une vieille peau qui écrit!) Je vous les retranscrit ici, tels quels:


(...)J'aime les gens qui vont au bout de ce qui fait leur essence, ceux qui savent qu'ils se trompent de chemin -peut-être- mais qui ne peuvent le rebrousser, ceux qui se disent qu'un instant d'Emotion pure vaut plus que des années de "çà va pas trop mal" (...)


Mouais. Bon. Une à deux decennies plus tard, avec mes hauts (très hauts) et mes bas (non moins extrêmes), je me vois mal renier ces écrits d'antan , même griffonés à la va-vite un soir de déprime...ou d'euphorie!
*

mercredi 1 octobre 2008

çà s'appelle la solitude


Il faut être forte. Il faut être forte. Il faut être forte.

C'est LA phrase qu'il faut se répéter, paraît-il, matin après matin, pour l'être, forte, justement. Ou le devenir. Ou se donner l'illusion qu'on peut l'être, ce qui, pour sa part, serait déjà pas mal.

Alors elle rabâche, silencieusement, ces quelques mots censés la faire tenir debout, encore.

Et elle est là, vaillant petit soldat qui sait pourtant la chute possible, aujourd'hui, demain, n'importe quand...

Elle s'oblige à ne pas penser qu'elle n'a pas (plus) de but dans sa petite vie, et pourtant elle en cherche, car sans but elle n'est plus rien ( imaginez Zidane sans buts et visualisez sa vie). Elle s'oblige à espérer que l'avenir réserve de bonnes surprises, mais "s'obliger" à avoir de l'espoir, n'est-ce pas déjà ne plus en avoir?

Elle qui ne pouvait envisager la vie sans enfants se trouve acculée devant ce deuil impensable. L'horizon est aussi bouché que le vin de la cave de son père.

Alors, pour tenir, elle continue de sourire et de se répéter chaque matin que dieu fait qu'IL FAUT ETRE FORTE!